Le 18 octobre 2017, comme tous les 3 mois depuis mars 2016 je rencontre Le professeur CHINOT qui me fait un compte rendu sur mon IRM trimestriel. C’est un rdv essentiel, incontournable, attendu et déterminant sur les mois suivants de ma vie. Et ce jour là il me dit : pourquoi ne pas témoigner de votre vécu avec la maladie pour l’association ? une fois les 1er mots écrits, je me rends compte que j’y prends plaisir, c’est très apaisant de voir la route parcourue depuis cette phrase du service d’Imagerie de l’hôpital Européen en mai 2015 :

« Vous avez une tumeur cérébrale »

Primo : Avril 2014 un cancer du sein, pris à temps et sans chimio, à peine évoqué, ma seule préoccupation inconsciente : oublier. Le matin : radiothérapie puis métro et boulot.

Mais le corps n’oublie pas.

Février 2015 : altercation au bureau avec mon directeur, il est décidé que je quitte la société. Echéance fixée pour fin mai 2015. Mon corps se rappelle à moi, je l’ignore souvent mais là il m’envoie comme signes des troubles faciaux : froid aux yeux, insensibilité faciale... Je mets cela sur la contrariété et je me rends chez un ostéopathe pensant qu’il suffit de « remettre tout en place », heureusement que le hasard m’a conduit vers un professionnel très sérieux qui m’a dit : non, sans un scanner je ne manipule pas pour les symptômes que vous me décrivez.

J’étais à quinze jours de prendre mon nouvel emploi, s'il n’y avait pas eu une mobilisation rapide des médecins que j’ai consultés, j’aurais pris mon poste et je ne me serais pas soignée

tout de suite, je suis persuadée d’avoir une petite fée au dessus de ma tête.

Le verdict est tombé : tumeur sur le tronc cérébral…….. un gouffre s’est ouvert sous moi, un grand vide, une totale absence de ce que l’on a bien pu me dire après, je me suis retrouvée dans la rue comme une extra terrestre. Merci à René-Paul d’être venu à ma rencontre, dans mon errance, j’étais perdue.

Qu’allait-il se passer ? J’étais à la fin de ma vie ? D’une vie dite normale, et côté travail que devais-je faire ? Je n’avais aucune protection sociale je venais de démissionner, il me fallait un contrat de travail, j’allais devenir quoi ? Vivre de quoi si je ne prenais pas le nouveau poste ?

La semaine qui a suivie j’ai rencontré le professeur FUENTES, neurochirurgien, qui a reporté la date de l’intervention pour que je puisse signer mon contrat. Ce n’était pas son rôle mais il a compris mon inquiétude.

15 jours, les plus longs durant lesquels j’ai fait comme si de rien n’était.

Mon statut professionnel a été signé, ma maladie annoncée, il ne restait plus qu’à y aller.

A partir du 30 juin 2015 : hospitalisation, radiothérapie, chimiothérapie.

Et les incontournables effets secondaires : fatigue, nausées, perte des cheveux, je m’estime chanceuse la tumeur étant sur la partie basse du crâne, ayant les cheveux mi-longs j’ai pu cacher les zones de chutes.

Puis nous sommes en octobre, je demande au Professeur CHINOT, une reprise à mi temps, il est réticent mais comprend. En janvier je demande la reprise à temps plein. Là c’est la médecine du travail qui veut me la refuser mais comprend aussi et on me convoquera 3 mois d’affilés pour me suivre.

Comment vous dire comme la vie prend une autre valeur ?

On dit que c’est dans la difficulté que l’on voit ses amis(es) et les autres… ça s’est vu.

Rentrons un peu plus dans ma vie privée, divorcée et célibataire, j’ai élevé 2 filles en mère poule. En juin 2015, l’aînée menait tranquillement sa 1ère année de vie professionnelle en Guadeloupe et la seconde préparait très sérieusement son bac ainsi qu’un gala de danse.

C’est un ami des 1er instants qui ne m’a jamais lâchée, qui a insisté pour que je prévienne ma fille aînée à qui j’ai évoqué un simple bilan à l’hôpital. Comment a-t-elle vécu cet appel ? Nous n’en avons plus jamais parlé, cela reste des moments personnels.

A son tour, elle a insisté pour que je prévienne sa sœur, il faut qu’elle soit au courant c’est notre vie à toutes les trois m’a-t-elle dit. Que de maturité dans ces quelques paroles. Merci mes amours.

Le bac s’est très bien passé : mention très bien. Le gala de danse aussi, je pense qu’elle a dansé pour moi. Grande pudeur ! Elles ont gardé leur peur pour elles, entre elles, mais m’ont toujours montré un visage souriant et confiant, tu es une guerrière, me disait ma cadette…

Mon aînée a passé ses congés auprès de moi, en m’amenant tous les jours à la radiothérapie.

Aujourd’hui dans ma vie, je vis avec mon épée de Damoclès sur la tête, je l’ai intégrée dans mon quotidien. Elle régule ce qui était de l’impatience, de l’autorité quelque fois de l’intransigeance, je dresse un tableau excessif c’est volontaire, j’ai changé et c’est bien.

Je courais tous les dimanches matins et bien maintenant je fais du Pilates, j’adore.

Et je sais dire : Non je veux pas, je ne peux pas. Je parle de ma maladie sans retenue et malicieusement j’en joue pour me moquer des petits bobos et des « jamais contents ».

La vie, je la prends comme la plupart d’entres nous, le matin je n’ai pas envie de me lever, je râle de la circulation et du mauvais temps, mais au fond de moi je sais que tout peut basculer d’un moment à l’autre.

Dernièrement, j’ai fait des séances d’hypnoses, je le recommande.

Je me rappelle une anecdote : c’était en septembre 2015, ma fille aînée conduisait ma voiture une Peugeot 207 pour me conduire à la radiothérapie, devant nous : une Audi A1.

Je lui dis : tu vois, j’aurais aimé avoir cette voiture.

Réponse de ma fille : qu’est ce que tu attends ?

Et là, la vie reprend, avec cette simple phrase, ma fille y croit, alors moi aussi.

Cette année ma cadette passe le permis de conduire. Nous allons donc garder la 207 pour sa 1er année de conduite, mais l’AUDI A1 est prévue pour fin 2018.

Le corps a une grande mémoire et pour s’exprimer quand il fatigue il me renvoie des symptômes de la maladie.

Les consultations trimestrielles chez le professeur CHINOT rythment ma vie et sont à chaque fois l’occasion de faire disparaître les doutes. Je scrute les moindres signes du visage de Mr CHINOT quand il analyse mon IRM trimestriel et quand il sourit en disant c’est bon RAS. C’est magique : les symptômes disparaissent…….. 

Pour fêter cela, je me rends dans des boutiques et je fais « chauffer la CB » parce que je le « vaux bien » je ne suis qu’une simple femme…

Une question actuelle : changer de poste, ou pas ? Ai-je envie d’une challenge professionnel ? Est ce que je suis capable d’assumer ? Je pense qu’il est plus raisonnable de me préserver car les coups de fatigues sont fréquents, je dis que j’ai un interrupteur dans la tête lorsqu’il disjoncte je suis comme le lapin de la pub Wonder, je m’arrête… il suffit de le savoir.

Je ne peux plus assister à un concert debout, faire une randonnée, visiter une capitale, voyager serrée dans des transports en commun, je panique, je m’essouffle et c’est la crainte de l’évanouissement, alors maintenant j’écoute mon corps et ses signaux.

Voila ma vie elle est simple, mais elle est là et j’en suis consciente. J’évite les personnes négatives, nous en avons tous autour de nous. Je contourne « les murs », y rentrer dedans ça fait mal… Je ne veux pas faire plein de choses, je n'en aurais pas la force ni l’envie. Juste prendre du temps pour ce qui me plait et surtout être droite dans mes baskets je sais ce que j’ai et je vis avec (même si quelques fois je tangue en marchant….)

A ce jour, j’en ai fait une force, elle me permet de prendre du recul.

Mon vœu : que ma santé de demain soit comme aujourd’hui…

Mr le professeur CHINOT, pour ce que vous êtes professionnellement et humainement

MERCI                        

Annie A.